mardi 7 février 2012

Marie Depussé, La nuit tombe quand elle veut

«  NE PAS PLEURER. JAMAIS.
Vous aurez tout le temps pour le faire, au coin d'une rue froide, un jour de soleil, ou même au cimetière, si c'est là que vous pleurez.
Ne pas se mélanger avec l'autre, ça s'appelle une séparation. C'est difficile. Mais c'est ce qu'il vous demande, sans mot, parce que si vous vous vautrez sur lui en pleurant, il ne reste plus personne, dans la chambre devenue vide, entre lui et la mort. C'était vous qui occupiez cette place, comme un mur.
Il arrive, alors c'est terrifiant, que le très malade s'amuse à tester la solidité du mur.
Un jour où l'angoisse, malgré votre présence, est trop grande, ou un autre jour, où il a envie de toucher du doigt son seul luxe, la force de votre amour. Alors il vous appelle par votre nom, au secours, et il vous dit sa peur à l'état brut.
"Je vais crever, tu m'entends, je vais crever.
[...]"
Vous n'êtes pas loin, alors, de crever vous aussi. L'intérieur du corps se vide, il ne reste plus que l'angoisse qui vous fait exploser le cœur. Tous les nerfs, tous les muscles se tendent autour de ce vide qui ne se remplira pas, jamais. Vous n'avez plus qu'une voix, tout le corps passe dans cette voix, et dans vos yeux reste un regard. Entre son regard et le vôtre on pourrait glisser un couteau.
C'est à vous que le mensonge, la vulgarité de ce mensonge, fait mal. Lui, il entend que le mur tient, même si ce n'est pas un très beau mur.
[...]
Lui, est-ce qu'il vous méprise pour la vulgarité de votre mensonge ? Peut-être.
Vous ne le saurez pas. Et la honte sera votre affaire. »

>> http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-8180-1423-3

2 commentaires:

  1. Tellement vrai...

    Prenant, émouvant. En quelques phrases, un gros retour en pays de souvenirs et la vérité qu'on ment, parce que même à cet instant et peut-être surtout, nul n'est prêt à la dire, nul n'est prêt à l'entendre...

    Bises à toi Christophe

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    1. Il y a dans ce livre bien des passages qui sonnent terriblement justes. Mais il est vrai que je ne suis pas tellement objectif : je conserve de cette auteure, que j'ai eu comme enseignante, de très beaux souvenirs. En lisant ce livre, tout comme en lisant les autres, j'ai retrouvé, intacte, sa voix.

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