mercredi 30 octobre 2013

De guerre lasse

Tout à l'heure, je me fais enlever un grain de beauté. Depuis le dernier contrôle, il a légèrement grossi. Or je suis clairement un sujet à risque. Les traitements. On ne saura qu'après son ablation et son analyse s'il est précancéreux ou simplement fanfaron. Pour l'instant, je m'en fous. Chaque chose en son temps.
J'ai repris le cours des séances chez le dentiste. Une provisoire qu'on aura vraiment tenté de faire tenir le plus longtemps possible a finalement cédé avec, pour ainsi dire, ce qui restait de dent, et il est grand temps maintenant de faire un traitement plus durable, plus coûteux également, ce d'autant que la radiographie a révélé une... je ne sais plus comment ça s'appelle. Je n'écoutais plus. La séance suivante, pendant que la dentiste s'échinait à extraire la totalité de la dent, j'ai baissé la garde un instant : l'apitoiement et la lassitude ont aussitôt fondu sur moi. Bien sûr que cela n'aura jamais de fin.
Il faut que je téléphone à un rhumatologue pour mesurer les effets du traitement sur ma densité osseuse. Je n'y parviens pas. J'ai appelé le service de la Pitié-Salpêtrière il y a une semaine, plus ou moins conscient qu'il était 16 heures et que le secrétariat serait fermé. Depuis, je n'ai pas ressayé. J'ai toujours eu tendance à la procrastination, mais là c'est autre chose.
L'épisode dermatologique me navre, non à cause de la vague menace qui plane, mais parce qu'il est peut-être annonciateur de nouveaux rendez-vous médicaux, de nouveaux examens peut-être, une surveillance accrue. Je ne baisse pas les bras - d'autant que je ne les ai jamais levés, mais j'éprouve depuis quelques jours un violent sentiment d'usure que je ne me sens capable d'évoquer qu'ici.
J'ai un peu parlé de cette petite intervention vendredi soir, avec quelques amis, sur le ton de la boutade - un ton que je maîtrise assez bien. La soirée se terminait, on m'a soudain questionné sur ma santé, et j'ai parlé de ce grain de beauté. Sans dramatiser, mais je me sentais honteux malgré tout de parler de cela, parce que je me méfie toujours des intentions cachées : la tentation de chercher à se faire plaindre - alternative au dorlotement ? -, celle de faire son intéressant. Je sentais en moi un mouvement ralenti lorsque je cherchais comment interrompre cette conversation que j'avais initiée, et un mouvement accéléré lorsque, tout de même, je ressentais un certain bien-être à ces rapprochements - et pourquoi pas un certain plaisir - à jouer un rôle que je connais bien, le type blasé, un rôle qui me permet de dire beaucoup de choses en limitant la charge émotionnelle. Tout de même, la honte de ce petit cinéma auquel je me livrais complaisamment l'a emporté et j'ai pu changer de sujet.

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Je me rends compte que ce blog est largement un lieu de jérémiades. Sans doute parce qu'en dépit du fait que je connais certains d'entre vous, il m'est plus facile de me répandre ici sans avoir à supporter l'effet miroir d'une conversation bien réelle. Parce que c'est parfois compliqué d'affronter toutes ces émotions qui gravitent autour de la table, et un mot associé à un regard pourrait me jeter à terre. La famille, n'en parlons pas.
Ou alors je raconte tout cela ici parce que je vous imagine forts, d'une force incroyable. 

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Pour autant, ne me prenez pas trop au sérieux. J'essaie ici de ne pas trahir le petit rythme qui se joue ces jours-ci à l'intérieur de moi, mais pour le reste...
Je ne suis pas que cela. Je veux dire, je ne suis pas que ce type avec un fond dépressif et un nombre incalculable de médecins dans son carnet d'adresses. D'ailleurs, je ne suis pas aussi affecté dans la vie. Je ris beaucoup. Et si c'est parfois avec ironie, ce n'est pas avec cynisme.